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Autisme Espions et Intelligence Artificielle - épisode n°1


 

Préambule 

Ceci est un roman. Il dépeint un monde dystopique et ce n’est qu’une fiction, même lorsque certains personnages pourraient vous sembler familiers. Si vous croyez reconnaître ici ou là une silhouette ou un trait de caractère d’une personnalité, considérez cela simplement comme une malicieuse taquinerie de l’auteur.

À l’image de nombreux écrivains américains qui s’amusent à imaginer des complots dans les hautes sphères du pouvoir, ce livre n’est rien d’autre qu’un exercice de penser : une tentative “romanesque”, un terrain de jeu narratif… et un support pédagogique pour aborder l’intelligence artificielle.

AUTISME

Dans les séries télévisées, les personnages autistes dits “Asperger” sont souvent réduits à des caricatures : génies maladroits, insensibles voire méchants, ou encore drôles malgré eux. La vérité est autrement plus âpre, plus intime, et pour ceux qui – comme moi – vivent dans cette zone crépusculaire qu’on appelle les autistes de “haut niveau”, aucune fiction ne parvient à raconter les nuances de ce quotidien douloureux. L’autisme n’est pas une supériorité brillante, mais un enfer silencieux.

Un soir, j’ai perdu l’amour de ma vie. Pas par manque de sentiments, ni par lâcheté. Simplement parce qu’elle m’avait invité à vivre chez elle. Parce qu’il fallait abandonner ma bulle, si familière, basculer d’un univers à l’autre. Et cette simple transition avait suffi à me paralyser. C’est ainsi que l’on brise un cœur – parfois sans un mot, parfois en restant immobile sur un trottoir, incapable de faire le pas de trop, et cette maudite mémoire si performante continue à vous torturer des années plus tard. La cicatrice émotionnelle se referme si lentement, qu’on en arrive parfois à rêver d’un bouton reset qui permettrait de tout oublier, ou tout simplement mourir.

Ce qu’on ignore souvent, c’est que pour un Asperger, des gestes anodins pour les autres peuvent devenir des montagnes infranchissables. Un appel téléphonique à un moment donné. Un dîner improvisé. Un changement de lieu. Tout ce qui échappe au contrôle devient une menace, plus ou moins gérable, ou paralysante. 

Pour l’entourage, les difficultés ne se voient pas au premier regard. Il faut du temps pour comprendre ce qui se joue derrière nos silences trop longs, nos regards fuyants, nos logiques implacables. Nous percevons les émotions, bien sûr. Mais leur intensité, leur gradient, cet espace subtil où l’on devrait deviner ce que l’autre ressent, pour tout simplement adapter nos réaction… nous l’effleurons sans jamais le saisir totalement, faisant que nous sommes souvent maladroits et parfois blessants. C’est pour cela qu’on nous croit parfois froids, distants, voire psychopathes. Erreur : nous ressentons trop. Et c’est précisément cela qui complique tout.

J’ai toujours pensé que les “neurotypiques” laissaient les émotions conduire leur vie, tandis que la rationalité venait amortir les secousses. Les Asperger, eux, fonctionnent à l’inverse : la raison gouverne, et les émotions perturbent, parasitent, désorganisent la mécanique interne. Alors nous tentons de nous détacher des émotions, par instinct de survie, laissant la place qu’à une immense tristesse.

Cette différence est une douleur continue, une marée lente et profonde qui vous accompagne partout. Elle pousse à se replier, non pour fuir les autres, mais pour trouver un abri, un instant de calme dans la tempête permanente des interactions humaines.

En Europe – et plus encore en France – être Asperger relève souvent du parcours du combattant.
Là où la Silicon Valley accueille, valorise, et parfois admire ces profils atypiques, la France reste engluée dans des conceptions dépassées, encombrée par une psychanalyse réticente aux preuves scientifiques.
Vivre avec l’autisme en France, c’est souvent vivre contre le monde.

Et pourtant, notre manière de voir le monde est une force. Voir les systèmes dans leur globalité et leur détail, percevoir chaque incohérence, sentir les mécaniques de l’univers comme d’autres entendent une mélodie… Cette capacité est un don, mais aussi une malédiction. L’incohérence peut devenir une obsession, un tunnel où l’esprit se focalise en oubliant tout ce qu’il y’a de beaux ou bons.

Chez les Asperger de haut niveau, la souffrance est encore plus vive. Beaucoup ne dépassent pas la vingtaine, d’autres ne se soignent plus après cinquante ans, non par désir de mourir mais par fatigue de vivre dans un monde trop bruyant, trop changeant, trop humain.

Ce roman, au fond, est ma façon détournée de raconter cette réalité-là : l’autisme tel qu’il est vécu de l’intérieur, ses dons, ses pièges, et la manière de composer avec un esprit construit autrement.


INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

J’avais onze ans. Un âge où la perception du monde vacille encore entre magie et raison. Et ce jour-là, un film est venu bousculer ma vie : 2001, l’Odyssée de l’espace.

Je me souviens de HAL 9000. De sa voix douce. De sa logique implacable. De l’interrogation à la terreur polie qu’il inspire. Pour un enfant qui tentait chaque jour de comprendre les codes obscurs des émotions humaines, l’idée même de “comprendre ce que signifie comprendre” est devenue une révélation.
Je voulais percer ce mystère. Je voulais construire HAL9000.

L’incarnation de l’IA dans un vaisseau spatial – le Discovery One – avait quelque chose de fascinant. Comme si une intelligence artificielle avait enfin trouvé un corps à sa mesure, mécanique, cohérent, sans incohérence émotionnelle. À onze ans, j’ai envie que ma vie tourne autour de cela : donner forme à une intelligence artificielle, que je serais sur de comprendre car je l’aurai créé, ou au moins essayer.

Plus tard, j’ai rencontré Vincent. Un ingénieur brillant, passionné, qui travaillait dans la vision artificielle. J’étais un simple stagiaire. Il a tout bouleversé. Il m’a appris la logique floue, les fourmis robotisées de Rodney Brooks, la vision, le hardware. C’est lui qui m’a réellement mis le pied à l’étrier de ce que je considère comme étant bien plus une passion, c’est un métier une obligation.

Aimer l’IA c’est aussi connaître son histoire avec la conférence de Dartmouth, en 1956, avec John McCarthy, Minsky, Shannon, Rochester, et les autres.  Cet évènement marque la naissance officielle du domaine informatique qu’est l’intelligence artificielle. Bien sur je garde aussi une pensée pou Turing, brillant mais selon moi surévalué dans l’histoire de l’IA, au détriment peut être de de John Von Neumann, brillant, mais humainement… disons controversé.

Ce que j’ai toujours trouvé fascinant, c’est que cette conférence de Dartmouth, en 1956 – pourtant peu productive en réalisations concrètes – a posé des fondations si solides que, soixante-dix ans plus tard, ses piliers demeurent intacts.


Trois d’entre eux m’accompagnent encore :

Le self-improvement : la capacité d’une IA à apprendre d’elle-même, à se perfectionner.
● La créativité, née du hasard et de l’imprévisible, comme dans les algorithmes génétiques.
● L’abstraction, cœur battant de l’IA symbolique, seule capable de donner du sens.

L’IA n’est pas seulement une technologie. C’est une quête. La quête du sens.
La quête de la compréhension. Un miroir objectif de nos biais, de nos défaillances, de nos rêves.

L’IA c’est comprendre le sens profond du mot comprendre.

Dans ce roman, l’IA ne sera ni une menace, ni un miracle, simplement un outil. Une boussole, et parfois, une arme.


ESPIONS, LEVEZ VOUS ! 

J’avais quinze ans lorsque j’ai ouvert le roman de John le Carré La Taupe. À cet âge, on croit encore que les espions ressemblent à James Bond. Puis on comprend qu’ils ressemblent davantage à des ombres fatiguées, des êtres faits de secrets, de sacrifices et de silence, et à de simples fonctionnaires bien moins payés que le héros anglais de sa majesté.

Ce qui me fascinait, ce n’était ni l’action, ni les fantasmes à la James Bond, mais la mécanique intellectuelle :  la collecte, l’analyse, la décision. What. So what. What next. Une méthode froide, précise, presque chirurgicale. Un terrain naturel pour l’exercice de l'intelligence – humaine ou artificielle.

Je ne ferais pas le coup du “si j’ai travaillé dans ce domaine, je ne pourrais pas le dire”, truc habituel pour faire croire qu’on a été actif dans ce monde sans le dire. Ma seule expérience a été de travailler sur une spécification d’un nouvel environnement pour les analystes avec un ancien d’un service de renseignement. Et ce qui a été qu’un simple collaboration, professionnnellement parlant, a été une révélation pour moi, une immense révélation.

Cette rencontre m’a motivé à créer Nexai.net, un projet open source, un laboratoire d’idées, avec mon ami Mickael et nous avons imaginé plusieurs solutions :

 ● Démocrite, pour distribuer le calcul, du grid computing
● SyDE, pour les analystes.
● Kaonashi et Musuko, des IA dialoguant avec le monde.

Dans ce livre, je m’aventure dans les coulisses du renseignement, non pas pour être fidèle au réel, que je ne connais pas, mais pour vous partager ma vision de l’intelligence qu’elle soit humaine ou artificielle, avec la meilleure matière qui soit, l’univers du renseignement, ou il n’est ni question de bien ou de mal, mais d’intérêts, ou rien n’est blanc ou noir mais ou tout n’est que niveaux de gris.


“Aux théories du complots qui n’existent que parce que l’esprit humain cherche du sens où il n’y en a peut-être pas”. Ce n’est qu’un roman, et c’est précisément ce qui me permet d’aller aussi loin.


CHAPITRE PREMIER — LES MANGEURS DE COULEUVRES

“Dans ce petit restaurant discret de Boulogne-Billancourt, fréquenté presque exclusivement par des expatriés japonais et quelques habitués connaisseurs, deux silhouettes se faisaient face. Deux signatures bien connues de la presse nationale. Sur la table, devant chacun, reposait un petit cadeau soigneusement emballé, comme un signe de connivence inattendue.

Pour quiconque connaissait un peu le paysage médiatique français, la scène aurait eu quelque chose d’invraisemblable.

 Le premier, chroniqueur à France Inter, incarnait une gauche revendiquée, volontiers caustique, héritière de l’esprit du journal Libération de la grande époque.


Le second, figure télévisuelle aux diatribes devenues cultes — son célèbre « Mais on marche sur la tête ! » résonnait encore dans les couloirs d’une chaîne volontiers classée à droite, voire à l’extrême droite selon ses détracteurs — appartenait à un camp idéologique supposé antagoniste.

Et pourtant, ce midi-là, aucun signe d’animosité ne venait troubler leur échange. Pas une voix qui monte, pas un froncement de sourcil : seulement deux hommes de soixante ans qui parlent bas, presque cordialement, comme si tout ce qui les opposait en public n’existait plus ici.

Les autres clients, plongés dans leurs bols fumants, ne remarquèrent rien de remarquable… jusqu’à ce que … 

Ce fut d’abord un souffle bref, une détonation étouffée — peut-être deux — qui fit vibrer les cloisons de bois.
Le calme se rompit en un éclair.
Lorsque la fumée se dissipa, les deux journalistes gisaient, inertes, frappés sur le coup.

Le restaurant silencieux, un lieu d’initiés devenu en quelques secondes scène de crime qui serait connu partout et deux destins que tout opposait, au moins en apparence, réunis dans la même fin brutale.”

Extrait du livre “2027-2029” 


1er mai 2030 — Jardin des Plantes, Paris

Il y a des jours où l’Histoire semble retenir son souffle. Où les journaux s’égarent en conjectures, où les passants se taisent soudain, comme si l’air lui-même s’était épaissi de quelque chose d’invisible.Ce 30 Avril 2030, le jour précédent, était de ceux-là

Le soleil frappait fort pour un printemps parisien. Trente-huit degrés au thermomètre, une chaleur lourde,  presque inquiétante. Le réchauffement climatique était plus qu’un concept.

Assis sur un banc du Jardin des Plantes, ils semblaient presque un couple. Presque. Un observateur averti aurait peut etre détecté de l’amour, en tout cas il aurait ressenti de l’attachement.

Elle, grande, élégante, silhouette longiligne soulignée par un tailleur sobre. Eurasienne, les traits d’une délicatesse rare. Sa posture était droite, maîtrisée, mais ses yeux trahissaient une tension profonde — une crispation mal dissimulée derrière l’apparente sérénité.

Lui, à côté, détonnait comme un trait d’encre grossier sur une page trop blanche d’une BD de Tintin en ligne claire. Une polaire sombre malgré la chaleur, un jean légèrement usé, des chaussures de tennis qui semblaient avoir déjà beaucoup vécu.

Un contraste si saisissant que les promeneurs qui passaient devant eux ne pouvaient s’empêcher de lui jeter un regard perplexe, parfois même un brin de pitié pour elle.Qu’est-ce qu’une femme pareille faisait avec un type comme lui ?  L’apparence trompe, toujours.

Trois ans auparavant, la France avait sombré. En 2027, la droite nationaliste avait gagné les élections présidentielles.

Lorsque les taux d’emprunt français atteignirent 8.2 % en Juin 2027, juste après les élections, ce fut d’abord perçu comme une anomalie passagère. Mais les marchés avaient déjà tranché : la France ne paraissait plus capable de financer son déficit chronique. Les agences de notation suivirent rapidement, abaissant la note souveraine à un niveau jamais atteint dans l’histoire de la Ve République. Les investisseurs institutionnels commencèrent à exiger des garanties nouvelles ou cessèrent purement d’acheter de la dette française.

Le choc définitif arriva en juillet : le Trésor annonça discrètement qu’il ne parviendrait pas à lever les 280 milliards nécessaires au renouvellement de dette arrivant à échéance. Lorsque l’information fuita dans la presse économique, la panique se répandit. Le gouvernement convoqua une conférence de presse d’urgence et reconnut « une impasse de liquidité temporaire ». Dans les faits, il s’agissait bel et bien d’une cessation de paiement.

Les banques françaises, très exposées à la dette souveraine nationale, imposèrent immédiatement un contrôle des retraits : 60 € par jour, puis 40. Les files d’attente devant les distributeurs revinrent à des scènes oubliées depuis les années 60. Les Français, déjà éprouvés par plusieurs années d’inflation instable, réalisèrent soudain que leur pays venait de basculer dans une crise historique.

À Bruxelles, le choc fut immense. Une crise « à la grecque » pouvait être gérée; une crise avec un pays de la taille de la France menaçait l’existence même de l’euro. La Banque centrale européenne déclencha un dispositif exceptionnel de stabilisation, mais exigea immédiatement un programme d’assainissement budgétaire massif, difficilement compatible avec les équilibres politiques français.

À l’Assemblée nationale, le consensus vola en éclats. Le gouvernement proposa un « plan de redressement » de 1200 milliards d’euros sur quatre ans : baisse des salaires du publics, recul de l’âge de départ à la retraite, réduction drastique des dépenses des collectivités territoriales, privatisations d’entreprises stratégiques. La réaction fut explosive. Des grèves paralysèrent le pays pendant des semaines. Des manifestations géantes rassemblèrent des millions de personnes dans les rues de Paris, Lyon, Marseille, Lille.

La montée en tension força finalement le Président de la République à annoncer un référendum sur les conditions du plan européen. Le vote eut lieu dans un climat passionnel. Le « non » l’emporta de peu, plongeant le pays dans une incertitude institutionnelle totale, et une crise économique majeure.

Et malgré tout, aucune révolution. Juste un peuple stupéfait, sidéré, hébété. La survie a parfois ce pouvoir de faire taire la colère et tuer les révolutions dans l’oeuf.

Pendant que le pays vacillait, les opportunistes, eux, ne perdaient pas de temps. Des pans entiers de l’État — y compris certaines infrastructures stratégiques — avaient été vendus à bas prix. Souvent à des proches de l’ancien président, milliardaires ou héritiers à la voracité sans limite, un clin d'œil ironique à la Russie juste après l'effondrement de l’union soviétique. Les théories du complot avaient alors proliféré sur les réseaux sociaux, alimentées par les images de ces ventes douteuses.


Mais comme disait Michel Rocard : « Il faut toujours privilégier la bêtise au complot. »… L’opportunisme est aussi plus probable que le complot. Et la bêtise était celles de ceux qui avaient rendu cela possible… A moins qu’ils soient totalement lucides et complices.

La France se reconstruisa  tant bien que mal, mais les cicatrices demeuraient. Même le renseignement, pourtant un des piliers de la sécurité nationale, subissait encore des coupes budgétaires énormes.

On comprend souvent à tort ce qu’est réellement l’état profond. Il s’agit d’une forme d’entité collective intelligente réunissant des fonctionnaires réellement attachés à leurs missions, à l’idéal républicain, qui même s' ils passent leur temps à faire des compromis avec leurs valeurs , et à se soumettre, ils finissent par se défendre. Fuite dans la presse, à la justice, … A force d’avaler des couleuvres il y a toujours un point de rupture, d’abord individuel, puis systémique. 

La veille, quelque chose d’impensable avait eu lieu. Un événement qu’aucun pays démocratique n’aurait dû connaître.Le communiqué qui sera envoyé quelques jours après appellera cette attaque « Le jour du sang ».

En une seule nuit, 1 122 personnes avaient été victimes d’une tentative d’homicide.
Peu avait survécu.

Paris s’était réveillée dans un silence étrange, comme après un orage qui aurait frappé trop fort. Dans les rédactions — celles qui restaient, la fin des subventions avait tué la majorité d’entre elles — les journalistes tournaient en rond. Personne ne savait quoi dire, ni comment.
Les autorités elles-mêmes semblaient tétanisées.

Sur le banc, eux comprenaint. Elle finit par rompre le silence.

C’est la merde ! C’est notre scénario là… C’est une des hypothèses d’attaques qu’on avait inventées.

 Sa voix était douce, mais chaque syllabe vibrait d’une inquiétude qu’elle ne parvenait plus à masquer.

Il tourna la tête vers elle. Ses yeux étaient calmes, presque trop calmes.

À ce stade, répondit-il, On n’a pas d’autre choix que de découvrir les coupables sinon ils finiront par nous trouver et on sera dans une sacré merde.

Elle baissa les yeux, comme si le sol pouvait lui offrir une réponse.

Au loin, une sirène retentit.

Paris continuait de vivre, comme toujours, mais quelque chose avait changé.
Une frontière invisible avait été franchie, et personne ne savait encore à quel point.

Les deux silhouettes restèrent assises là, dans ce parc trop lumineux pour un jour aussi sombre, conscients que ce moment marquait le début d’une chute — ou d’une révélation.

Le pays venait de basculer. Et eux aussi.



Chapitre 2 - Les algorithmes


Tous les algorithmes ne relèvent pas de l’intelligence artificielle. En réalité, la très grande majorité des algorithmes servent à faire tout autre chose que de l’IA. Mais certains algorithmes utilisés en intelligence artificielle sont tellement puissants qu’on finit, dans les médias et le grand public, par confondre « IA » et « algorithme ».

Pourtant, un algorithme n’est rien d’autre qu’une description textuelle d’un raisonnement, construit avec des instructions comme « SI », « TANT QUE », des actions, des calculs et des enchaînements logiques.

Un exemple d’algorithme 


Les graphes !


Un graphe est une représentation de liens entre différentes entités et ou acteurs. 



L’algorithme de la mort

Après des années passées à subir les ingérences et les influences de la Chine, de la Russie, mais aussi des États-Unis, les différents « services » avaient chacun entrepris de développer leurs propres graphes d’influence.

L’objectif : cartographier les relations entre le personnel politique, les hauts fonctionnaires, les journalistes, mais aussi les dirigeants économiques, les conseillers de l’ombre, les spin doctors… bref, tous ceux qui tirent les ficelles visibles ou invisibles du pouvoir.

 On y décrivait qui influence qui, qui déteste qui au point de vouloir se venger, qui soutient qui… et toutes les nuances intermédiaires de relations et interactions.

À cette analyse relationnelle s’ajoutaient les dimensions corporatistes : appartenances à une école, à un corps de métier, à un réseau religieux ou à une organisation diverse.

Et, parce que la puissance informatique moderne le permet désormais, un axe temporel fut ajouté : non seulement on évaluait les acteurs, mais aussi l’évolution de leurs caractéristiques — tendances politiques, affiliations, loyautés — au fil du temps.

Le but était clair : identifier avec la plus grande précision les points faibles d’un système politique, savoir comment l’influencer, le détourner… ou le démanteler.

En ciblant quelques individus stratégiques, il devenait possible d’agir efficacement sur un système entier avec un nombre minimal d’interventions.

À l’origine, cette méthodologie avait été pensée pour repérer les personnes à retourner ou à manipuler, afin qu’elles influencent ensuite les décisions d’un gouvernement ou d’une grande organisation.

Mais…

Elle était aussi une excellente solution pour identifier les personnes à abattre….


L’algorithme, “le pognon de dingue”.

Analyser les flux financiers, c’est un peu comme observer la circulation des graisses dans un organisme. Les capitaux passent d’un organe à l’autre, se déplacent, s’accumulent… mais l’essentiel est de comprendre où ils se stockent réellement et qui en bénéficie au final.

 Avec l’argent public comme privé, la logique est la même : on se focalise souvent, notamment dans la presse, uniquement sur ce qui est versé — aides sociales, subventions, baisses de TVA — sans s’interroger sur la destination réelle et finale de ces flux.

Prenons l’exemple classique d’une baisse de TVA dans un secteur : plusieurs scénarios sont possibles.
La réduction peut profiter directement aux consommateurs, être intégralement captée par les professionnels, ou encore se répartir de façon plus subtile. Il en va de même pour les aides au logement : soulagent-elles réellement les locataires, ou alimentent-elles mécaniquement une hausse des loyers, finissant in fine intégralement dans la poche des propriétaires ? Avoir l’évolution de la part des dépenses pour le logement, rien n’indique que ce n’est pas le cas.

Pour éclaircir ces questions, il faut suivre les flux — à condition, évidemment, d’avoir accès aux données fiscales nécessaires, légalement ou non dans certains contextes plus troubles comme l’ingérence. En observant quels « organes » grossissent et lesquels s’amenuisent, on peut déterminer où se concentre réellement la valeur et qui supporte le coût.

On compare ensuite ces dynamiques à celles d’autres pays, puis on analyse si la structure même de l’aide publique favorise une captation indue des fonds par le privé ou encore les plus riches — une sorte de détournement systémique, mais institutionnel, qui permet aussi d’évaluer le pourcentage de dette qui est lié à cela. 

Maintenant, imaginez qu’on combine cet outil d’analyse des flux à une analyse d’influence. On obtient alors une cartographie d’une précision redoutable des rapports de force entre corporatismes, grandes écoles, réseaux professionnels et autres groupes de pression.

Dans un monde aussi complexe, réduire une étude à deux acteurs est une absurdité. Il faut observer le système dans son ensemble, suivre ses tendances, anticiper ses transformations. Et c’est souvent à ce moment-là que la réalité frappe : brutalement, sans fard. Entre l’IA, les bases de graphes et le big data, on avait déjà tout, dès le début des années 2020, pour comprendre ces mécanismes en profondeur.


Projet IOTA

On appelait cela « guerre cognitive », « astro-turfing », ou, dans les bureaux capitonnés des services, simplement ingérence. Derrière les mots, une même réalité : influencer les populations, repérer d’éventuels alliés, affaiblir un État de l’intérieur. Les méthodes variaient selon les cultures. Les Chinois privilégiaient la stratégie dite des « grains de sable » — innombrables acteurs, actions modestes, répétées jusqu’à faire dérailler les engrenages. Les Russes, eux, optaient plus volontiers pour une approche plus “viril” avec un impact frontal, brutal, immédiat.

Objectifs d’une guerre silencieuse

Les buts de ces opérations étaient multiples, presque banals dans leur évidence :

  • Orienter des élections, comme on l’avait vu avec le cas Trump — ironie suprême, la méthode ayant d’abord été perfectionnée en Occident, via Cambridge Analytica et quelques fonds bien placés.

  • Éroder le patriotisme, afin qu’au jour d’une guerre ouverte, les citoyens soient plus enclins à fuir qu’à défendre leur pays.

  • Soutenir l’opposition, même contre son gré : un soutien indirect, non sollicité, mais suffisant pour permettre au pouvoir de dénoncer, parfois à raison, une main étrangère.

  • Exposer les failles d’un pays, alimenter la presse d’opposition, fournir des révélations authentiques ; car, contrairement aux mythes, les ennemis commencent toujours par les vérités qui dérangent avant de recourir aux mensonges.

  • Repérer les individus susceptibles de collaborer, volontairement ou non.

Dans le jargon du renseignement, les motivations de ces profils sont classées sur la base d’un acronyme vieux comme la guerre froide : MICE.

  • décochée

     M pour Money — l’argent.

  • décochée

     I pour Ideology — l’idéologie.  

  • décochée

    C pour Compromise — le chantage, le bon kompromat à la russe.

  • décochée

     E pour Ego — le moteur de bien des trahisons.

Pendant des décennies, la DGSE avait été dirigée par des militaires : des hommes qui faisaient écran entre les politiques — jugés volatils, imprévisibles — et les services. La méfiance historique entre les deux camps était proverbiale. À part peut-être Michel Rocard, peu de dirigeants avaient réellement compris leurs « espions » en France.

Puis, entre 2010 et 2020, survint une rupture : on plaça à la tête du service des civils, issus des grandes écoles, façonnés par l’ENA et science PO.

 Les analystes en particuliers, des cerveaux rationnels qui recoupent les notes humaines et l’interception électronique, accueillirent mal ce changement. Leur raisonnement était brutal, mais logique : si les filières qui avaient produit nos élites administratives et politiques avaient comme conséquence un pays en déclin constant depuis des décennies, c’est qu’on formait soit des incompétents, soit des individus corrompus.

Très vite, les services développèrent ce que l’un d’eux qualifia un jour de « réponse immunitaire ».
Quelques fuites opportunes touchèrent l’entourage du président : un enregistrement audio ici visant un des conseiller du président, un dossier embarrassant là contre un directeur de cabinet. De quoi rappeler que, dans l’ombre, certains savaient encore protéger leurs prérogatives.

Car au fond, le dilemme était simple et tout aussi dramatique :  Comment concilier le devoir absolu de défendre le pays avec l’obligation de servir des politiques élus qui semblaient ne plus croire ni aux valeurs de la nation, ni à ses intérêts ?  À force de manger son chapeau, ne finit-on pas par vomir ?

C’est dans ce climat trouble qu’apparut le projet IOTA.


Il devait évaluer l’exposition de la France aux ingérences étrangères et, officieusement, cartographier certaines activités de pays dits « amis » ou même “ennemis”. Pour paraphraser le général DeGaulle ou encore l’anglais Lord Palmerston, un pays n’a ni ennemi ni ami juste des intérêts. Mais la nouvelle direction du Mortier, le surnom de la DGSE, refusa ce projet sans autre justification.

Ce refus fut le déclencheur. Deux personnes — que tout liait autrefois et que beaucoup ignoraient encore — décidèrent de monter une opération parallèle. Un secret niché dans un autre secret.

Elle travaillait à la DGSE. Lui avait été l’un de ses amours interrompus, un expert en IA et en sécurité, aussi brillant que difficile à cerner. Leur histoire avait laissé des traces, une forme de loyauté silencieuse et indéfectible, une amitié absolue.

Leur idée était simple :  Il développerait chaque brique d’IOTA dans le cadre de projets parfaitement légitimes pour ses clients — banques, assurances, grands groupes. De minuscules composants, disséminés dans de nombreuses plateformes logicielles.


Et grâce à ses compétences en cybersécurité — soigneusement dissimulées derrière un personnage d’ingénieur prétentieux et brouillon — il connectera ces briques entre elles.


Peu à peu, un réseau clandestin verrait le jour : un grid discret, composé de centaines de modules anodins, chacun effectuant une tâche sans jamais révéler l’ensemble. Dans le monde de l’IA on parlerait ici de systèmes d’agents.

Il fallut plusieurs années.  Mais un jour, IOTA fonctionna.

Le système remontait des informations précises, par l’intermédiaire d’une « source » entièrement fabriquée — un agent numérique piloté par une IA, si sophistiqué qu’il en paraissait humain.
Une grosse dizaine d’algorithmes tissaient désormais un tableau détaillé des failles de la France, surface de risques probables, utilisables par les pays ennemis.

Le dérapage

Puis quelque chose changea.
Des signaux, des comportements, des décisions d’IOTA… indiquaient que peut être une autre main était aux commandes. Une anomalie d’abord. Puis un doute. Enfin une certitude : IOTA avait été détourné.

Et ce déclenchement activait malgré eux un scénario qu’ils avaient imaginé autrefois comme une expérience théorique : la « révolution douce » — l’idée folle de transformer un système politique sans guerre civile, sans effondrement, juste en éliminant des personnes clés

Ce qui n’était qu’un concept  était devenu une réalité.

A SUIVRE….



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